Lacan a introduit la coupure comme acte de l’analyste qui sectionne l’effet de sens de la chaîne signifiante, dont l’inconscient « structuré comme un langage » se nourrit et dont il jouit. Il est question, par la coupure, d’assécher le sens, afin de débusquer dans le discours de l’analysant, ce qui se jouit derrière ce qui se dit.
La coupure, par la section franche qu’elle opère dans la chaîne signifiante, n’est donc pas effet de sens, mais effet de réel. Cette interprétation, à l’envers de l’inconscient[1] , est une interprétation qui vise l’indicible de la jouissance. L’effet de réel est un effet de corps. Le sujet, délogé de l’articulation signifiante qui soutient son discours, s’éprouve dans son vouloir jouir.
La coupure use de la surprise, invitant ainsi, sur la scène de l’analyse, l’inconscient réel jusque-là tapi dans les rets du discours. Elle relève de ce que Roland Barthes a serré, dans son ouvrage La Chambre claire. Note sur la photographie, par le terme de punctum. Le punctum, littéralement « point », est ce point de l’effet produit par un détail qui surgit de l’image photographique. Ce point, « petit trou […] petite coupure[2] », vient la percer « comme une flèche[3] ». Il se manifeste, hors-sens, tel un petit séisme du corps dont l’effet est « coupant[4] ». Ce point de rencontre entre le sujet et le réel de l’inconscient opère un vide dans le tissu imaginaire du sujet que l’image ne manque pas de convoquer. Ce vide de parole, cet « indicible qui veut se dire[5] », sectionne la ritournelle de l’imaginaire qui soutient le discours du sujet.
Cet effet de réel est au cœur de l’acte analytique. L’analyste, par l’interprétation, produit des vagues[6] dont les remous s’apparentent à ces petits séismes du corps. La coupure sert ces ébranlements du corps qui donnent une chance au sujet qui s’y laisse prendre, de serrer son rapport à la jouissance. L’analysant n’est alors plus spectateur du tableau qu’il regarde et dont il se plaint. Il est regardé par ce petit quelque chose qui, dans les coupures, le pointe.
[1] Cf. Miller J.-A., « L’interprétation à l’envers », La Cause freudienne, no 32, février 1996, p. 9-13.
[2] Barthes R., La Chambre claire. Note sur la photographie, Paris, Seuil, 1980, p. 49.
[3] Ibid.
[4] Ibid., p. 87.
[5] Ibid., p. 37.
[6] Cf. Lacan J., « Conférences et entretiens dans des universités nord-américaines. Yale Université, 24 novembre 1975 », Scilicet, no 6/7, Paris, Seuil, 1976, p. 35.