Petit travail de reprise étymologique et lexicale 1 :
Couper – du latin secare – « rompre un corps continu par l’intervention d’un instrument tranchant ». Rompre la chaîne signifiante par le tranchant de la parole, qui fait coupure de la séance pour laisser en suspens la signification.
Le terme ponctuer vient du latin punctum – « point, trou fait par une piqûre » – et donnera ponctuare. En linguistique, l’introduction de signes vise à rendre un texte plus lisible. En musique, une composition est ponctuée, divisée en phrases et temps de repos. Donc, ponctuer quitte à en modifier la lecture et faire entendre les temps de silence.
Scandere pour scander, « lever et baisser le pied », allusion aux mouvements du pied qu’on levait et baissait pour battre la mesure, pour scander les vers d’une poésie. Mettre du rythme et découper l’articulation signifiante via l’énonciation.
Quant à interpréter, dérivé d’interpres, le terme le plus ancien est retrouvé dans le champ du droit, « intermédiaire chargé d’expliquer », qui donnera « éclaircir, traduire ». Toutefois, le inter– de « entre », entre-deux, est-ce, déjà ici, à entendre comme ce qui peut être lu dans un rapport à l’ab-sens de signification ?
On n’interprète plus de la même façon que lors des premiers temps de la découverte freudienne. Lacan le disait déjà dans son Séminaire VIII, « l’interprétation, ça ne fonctionne plus comme ça a fonctionné 2 », et nous faisait réentendre ce qu’avait, déjà très tôt, repéré Freud : « profitons de l’ouverture de l’inconscient, parce que, bientôt, il aura retrouvé un autre truc 3 ». Du côté de l’écoute du sens, l’interprétation et la ponctuation comme révélation de sens peuvent produire la levée des symptômes. Interpréter et ponctuer, placés là, restent de l’ordre de l’écrit. Le système de signification se réfère alors à la sémantique dans la structure langagière de l’inconscient. L’interprétation de ces premiers temps n’est pas abolie, mais aller au-delà est nécessaire.
« La pratique [est] toujours davantage post-interprétative 4 », pose Jacques-Alain Miller, relevant ainsi la jouissance opaque dans la relation du sujet à sa lalangue. Il ne peut plus s’agir d’interpréter que sur le versant du sens, ce que l’inconscient-interprète fait bien mieux que l’analyste. Le silence est alors de rigueur. Double écoute. L’interprétation vise à faire résonner lalangue du sujet où s’incluent son et sens.
La pratique s’oriente du hors-sens. De l’interprétation sémantique de l’écrit, il y a à pouvoir en faire la lecture, lire le symptôme et l’Un de jouissance qui itère derrière celui-ci. Lire ce qui est de la lettre en tant que traces de corps, nous mène sur le terrain de l’interprétation-coupure pour faire trou dans le tissu du sens et que la séance reste a-sémantique. La séance scandée, coupée, ponctuée, s’adresse ainsi à l’inconscient réel et ses premières émergences qui préexistent à la chaîne signifiante.
Le sujet comme poème 5, propose Lacan dans sa « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI ». Serait-il à entendre, le sujet, tel un poème dont il y aurait à interpréter, scander, ponctuer, couper le texte pour établir un nouvel état du sujet ?
1 À partir des sites cnrtl.fr, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, et gaffiot.fr, Dictionnaire latin-français en ligne.
2 Lacan J., Le Séminaire, livre VIII, Le Transfert, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1991, p. 390.
3 Ibid.
4 Miller J.-A., « L’interprétation à l’envers », La Cause freudienne, no 32, février 1996, p. 12.
5 Cf. Lacan J., « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 572.