L’acte de l’analyste au temps des Uns-tout-seuls s’appuie sur l’interprétation à l’envers[1] pour tenter de cerner le mode de jouissance singulier au dire. Mais comment l’analyste opère-t-il pour lire le dire ? Lacan l’énonce clairement : « l’opération de l’analyste […] consiste à pratiquer la coupure[2] ». Il précise que la coupure est l’essence du langage[3]. Couper la chaîne et isoler le S1, telle est la visée. C’est donc un acte d’interprétation a-sémantique[4]. Ainsi « L’analyste, lui, tranche. Ce qu’il dit est coupure, c’est-à-dire participe de l’écriture[5] ». Lalangue qui percute le corps dévoile l’écriture de jouissance.
Si l’interprétation touche « la matière même du signifiant, la motérialité de lalangue[6] », alors elle permet de passer du signifiant à la lettre. Mais en quoi l’acte de coupure est-il affine à la lettre ? La lettre est littorale[7]. Elle trace un bord entre la jouissance et le savoir. Faut-il encore que le littoral vire au littéral. Alors un dire peut se lire au rivage. Même si la lettre se précipite, c’est du fait d’une rupture, une pluie de signifiants, matière en suspension, qui ravine le sol, le rature. De l’eau du langage filtrée, il reste quelques détritus. Une lettre résiduelle, celle qui témoigne du passage de « letter » à « litter ». L’extraction de la lettre est alors l’opération en vigueur.
[1] Cf. Miller J.-A., « L’interprétation à l’envers », La Cause freudienne, n° 32, février 1996, p. 9-13.
[2] Lacan J., Le Séminaire, livre XVI, D’un Autre à l’autre, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2006, p. 388.
[3] Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XIV, La logique du fantasme, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2023, p. 197.
[4] Cf. Solano-Suarez E.,« L’interprétation a-sémantique », posté le 18 mai 2023 sur le blog des J53.
[5] Lacan J., Le séminaire, livre XXV, « Le moment de conclure », leçon du 20 décembre 1977, inédit.
[6] Caro A., « Un dire qui fait événement », posté le 14 mai 2023 sur le blog des J53.
[7] Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2007, p. 117.