Titrée en référence à la Divine Comédie de Dante, La Comédie humaine de Balzac décrit des réalités laides et vulgaires où l’amour a sa place. Si dans la comédie se loge le tragique, l’amour s’inscrit-il du côté du tragique ou du comique ?
Dans le fil du rire homérique, Lacan attrape le comique de l’amour avec L’Ancienne Comédie. Aristophane est un des poètes de cette époque. Avec ses personnages obscènes, gourmands et lâches, emprunts de laideur morale mais aussi affublés d’un « phallus pendouillant1 », ce poète grec suscite le rire.
Au célèbre Banquet, Aristophane expose la fable de la bête à deux dos. Voyons ce drôle de méli-mélo cosmologique. D’après Aristophane, « les hommes n’ont absolument pas conscience du pouvoir d’Amour2 ». Aussi, entre risible et ridicule, il raconte une fable pour conclure sur l’attraction des êtres à ne faire qu’un. Lacan donne une image clownesque : deux êtres sphériques, ayant une tête à deux visages, entrent sur un tapis de cirque, couplés ventre à ventre. Affamés de ne pouvoir se rejoindre dans leur solitude royale, ils sont séparés en deux hémipoires3. Si cet acte de coupure sauve ces êtres de la mort, désormais chacune des moitiés recherche sa moitié dans le désir de se confondre à nouveau en un seul être. C’est Zeus qui a décidé de sectionner la sphère en deux, puis de retourner chacun des visages pour qu’il voit la coupure et enfin de dévisser le sexe et de le placer sur la face interne de la sphère dédoublée afin qu’il puisse engendrer. Ainsi, dit Lacan, « l’essentiel du ressort du comique […][c’est la] référence au phallus4. »
Cette fable comique sur l’amour tranche avec l’exposé d’Agathon. Commentant le discours de ce poète tragique dans le Séminaire Le Transfert, Lacan révèle le comique de cette vision tragique de l’amour. Il nous fait rire en formulant : « l’amour, c’est la fin du rififi5 », clin d’œil au film célèbre, où « L’amour, […] c’est ce qui vous fait faire fiasco6 », référence explicite à l’échec sexuel. Lacan indique l’ironie de la version tragique de l’amour selon Agathon. On s’amuse beaucoup à lire ces pages joyeuses qui soulignent combien certains voudraient croire à un amour garantissant bien-être et langueur, calme et volupté ! « Il ne suffit pas, pour parler de l’amour, d’être poète tragique, il faut être aussi un poète comique7 », confie Lacan.
Du comique dans la tragédie, mais pas sans le jeu de mots, des enjeux de la lettre. Lors de son Séminaire Les Psychoses, puis en 1957, en écrivant cet alexandrin à l’allure surréaliste « L’amour est un caillou riant dans le soleil8 », Lacan noue l’amour au comique via la poésie. Avec cette métaphore teintée de baroque et basée sur un oxymore s’entend l’alliance impossible de l’inanimé et du vivant9. Entre pierre, roc et os, un caillou se glisse pour que le non-rapport ex-siste au partenaire-symptôme. L’énigme de l’amour est lovée dans ce couple de signifiants qui jamais ne feront Un.