Mentir à jet continu

« La façon la plus claire dont se manifeste la vérité, c’est le mensonge – il n’y a pas un analysant qui ne mente à jet continu, jusque dans sa bonne volonté de tomber juste dans les carreaux que Freud a dessinés. »

Lacan J., « Ouverture de la Section clinique », Ornicar ?, n°9, avril 1977, p. 11.

Quoi de plus commun dans l’expérience analytique que de mentir ? « La dernière fois je vous ai dit que ça ne me dérangeait pas de patienter, mais ce n’était pas vrai. Je crois que c’est pour cela que j’ai oublié l’argent de ma séance aujourd’hui », interprète un analysant honteux. Honteux de quoi ? de sa propre agressivité ? d’avoir oublié l’argent ? de n’avoir pas dit ce qu’il pensait vraiment ?
Ce qui rend une phrase marquante n’est pas son caractère véridique, mais la façon dont elle rencontre la position de jouissance du sujet. Mentir indique un point de jouissance qui divise le sujet. Chaque Un ment, en fonction de son fantasme ou de son délire. Quel est le vrai énoncé : « Je vous aime et ne veux pas vous décevoir » ou « Je vous en veux » ? Les deux sont sincères.
Que cela permette, à l’occasion, d’apercevoir qu’une phrase peut être marquante parce qu’elle n’a pu trouver à se dire constitue un pas nécessaire pour que le sujet s’en trouve, véridiquement, allégé.