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« S’entendre parler » : écho du « je vous écoute » de l’analyste

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« L’analyse, c’est une chambre d’écho et l’analyste est là pour introduire juste le petit décalage qui permet qu’on s’entende parler.[1] »

Dans l’expérience de la rencontre entre l’analysant et l’analyste, rythmée comme un « fort-da », comment définir cette « chambre d’écho » ?

Pour que le sujet en analyse puisse « s’entendre parler », le « je vous écoute » de l’analyste est nécessaire, mais parfois non suffisant. Pour certains sujets, il arrive qu’il faille la présence visuelle, le face à face, pour « recevoir de l’analyste des signes de vie et de désir[2] », et s’assurer que cet Autre est bien vivant[3]. Ceci n’enlève en rien qu’il s’agisse d’une analyse !

Ce « petit décalage » impulsé par l’analyste s’introduit souvent par le biais de la ponctuation. L’analyste ajoute la ponctuation à la parole de l’analysant par : une exclamation, la reprise d’un énoncé, un silence, un soupir, une coupure… Il ne s’agit donc en rien d’une écoute passive.

La ponctuation est ce qui fixe le sens d’un énoncé ; la changer en modifie le sens. Elle rend l’inconscient lisible et permet aussi de prendre acte pour poursuivre d’une séance à l’autre. Comme le souligne Jacques-Alain Miller, « L’interprétation de l’analyste est essentiellement un fait de ponctuation[4] ».

L’interprétation part toujours « du dire » du sujet, ce qui lui donne son caractère singulier. En analyse, il n’y a donc pas d’interprétation universelle, et d’autre part, une analyse ne se fait pas par écrit. « L’inconscient est illisible dans l’écrit, il n’est lisible que dans la parole.[5] » Le « je vous écoute » est donc une condition de la lecture de l’inconscient. Une fois que le sujet s’entend parler, il cesse de s’adresser à l’analyste comme à un autre semblable, mais il s’adresse à travers lui, à un Autre absolu, impersonnel.[6]

Tout au long d’une analyse, l’interprétation ne se limite pas au déchiffrage de l’inconscient par le sens. Elle joue sur l’équivoque des signifiants du sujet lorsque le sens est épuisé, et lorsqu’elle rencontre un point de butée, l’indéchiffrable ! L’interprétation se heurte au réel de la jouissance du sujet ; elle vise alors de surcroît l’opacité de la jouissance du parlêtre qui parle avec son corps. Là où ça parle, ça jouit !

Le symptôme se nourrit du sens et résiste à sa réduction en se répétant. Pourquoi ? Parce que le sujet est aux prises avec le fantasme qu’il s’est construit à partir d’un noyau réel qui a fait traumatisme pour lui. Ce que Lacan continuera d’appeler « l’interprétation » ne s’ordonne pas au symptôme mais au fantasme. « Le fantasme est une phrase qui se jouit, message chiffré qui recèle la jouissance […] L’interprétation proprement analytique […] fonctionne à l’envers de l’inconscient.[7] » C’est ce que J.-A. Miller a nommé « l’interprétation à l’envers ».


[1] Miller J.-A., « L’interprétation est une ponctuation », Histoires de… Psychanalyse, France Culture, 7 juin 2005, disponible sur le site : lacan.com/millerlecture.htm.
[2] Ibid.
[3] Cf. Miller J.-A., « L’interprétation est une ponctuation », Op.cit.
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] Cf. Miller J.-A., « L’interprétation est une ponctuation », Op.cit.
[7] Miller J.-A., « L’interprétation à l’envers », La Cause freudienne, n° 32, Paris, février 1996, février 1996, p. 11-13.

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