« Ce to be or not to be est une histoire complètement verbale. Un très joli comique avait essayé de nous montrer comment Shakespeare avait trouvé ça, en se grattant la tête – to be or not, et il recommençait – to be or not… to be. Si c’est drôle, c’est qu’à ce moment se profile toute la dimension du langage. Le rêve et le mot d’esprit se placent au même niveau de surgissement1. »
Comment se rire du tragique de l’existence ? Sévère est la condition du héros de Shakespeare, qui en sait un bout sur le secret des parents : les péchés du père, la jouissance de la mère. Quel poison ! À qui se fier ? Que doit-il faire ? Il ne peut ni payer à la place du père, ni laisser la dette ouverte. L’alternative cruciale lui tombe dessus : ou bien… ou bien.
Comment se rire de cette célèbre phrase où pour Lacan, « l’essentiel est là tout entier2 » ? En la ramenant à ce qu’elle est par ailleurs : une question de mots. Words, words, words.
Figurons-nous le poète et sa page blanche. Rien ne lui vient. Ah, voici un mot : être, to be. Ne trouvant à poursuivre, il se rétracte : pas ça. Ou pas, or not. Il cherche. Il se répète : être, to be… Mais tu l’as déjà dit ! Il se gratte la tête. Reprenons ! Donc : être ou pas… être ou pas… to be or not… to be or not… Eurêka, ça y est : être ou pas… être ! Être ou ne pas être ! To be or not to be ! C’est bouclé. La trouvaille ! Le sens glissait. Il est arrêté, réduit à une question lexicale, à sa nature langagière.
La tension tragique du héros « aboli dans son désir3 » se trouve piégée par le comique du désir apparaissant « là où on ne l’attendait pas4 ». Et voilà le drame du névrosé ramené à un bredouillage après la grattouille, comme un Witz de fin.