Transmissions

 

« La fonction que je donne à la lettre [est] celle qui fait la lettre analogue d’un germen ».

Lacan J., Le séminaire, Livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 89.

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Dans Encore, « Lacan pouvait dire que, dans l’espèce humaine, la lettre est l’analogue du germen, que pour que le germen se transmette à travers les générations, il faut qu’un certain type de signifiant, qu’il appelait la lettre – et donc il insiste sur la matérialité de ce signifiant – soit transmis[1] », souligne Jacques-Alain Miller.

Pourquoi cette équivalence entre la lettre et le germen ? Le germen d’un point de vue biologique forme les gamètes de la mère et du père qui s’unissent pour produire le noyau cellulaire autour duquel s’enroule un nouveau soma, une substance propre à « se jouir ». De génération en génération, le germen active certains gènes. Ce processus imprévisible relève de l’ineffable. Il crée un organisme vivant à nul autre pareil.

Pour la psychanalyse, la rencontre du signifiant, dans sa motérialité[2], et du corps construit le corps parlant, un corps que des événements « animent[3] » – le signifiant, d’abord conçu comme incorporel, s’incorpore, se corporise. Car le parlêtre tient son corps de la parole et plus précisément des heurts de lalangue qui l’ont marqué. Il s’en trouve affecté de traces jouissantes, traces impossibles à résoudre dans une signification qui les délivrerait. La frappe des S₁ où s’origine le Un de jouissance, relève de la dimension de l’écriture. Ces S₁ sont des lettres hors sens, restes inélucidables qui font écho à l’ineffable du biologique.

À l’instar du germen dans sa fonction de « support matériel », la lettre fixe un mode (de se jouir) singulier du parlêtre, singularité que Lacan nomme sinthome.

[1] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Chose de finesse en psychanalyse », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, leçon du 20 mai 2009, inédit.

[2] Cf. Lacan J., « Conférence à Genève sur le symptôme », texte établi par Jacques-Alain Miller, La Cause du désir n°95, Paris, avril 2017 ; la motérialité est ici dérivée de motérialisme, néologisme forgé par Lacan.

[3] Lacan, J., « Les non-dupes errent », 1973-74, Séminaire inédit.