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Vos paroles m’ont frappé

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« Il y a des mots qui portent, et d’autres pas. C’est ce qu’on appelle l’interprétation », dit Lacan à Nice en 1974[1]. L’interprétation est un dire qui a des effets, qui va plus loin que le simple bavardage auquel le sujet est invité, c’est un dire qui a un pouvoir de modification. Comment opère-t-il ? Sur quoi porte-t-il ? Que peut-il modifier ?

Jacques-Alain Miller nous a donné des balises pour nous repérer dans les bougés conceptuels de l’enseignement de Lacan et leurs implications. Il y a des interprétations qui produisent des effets de vérité, des révélations de ce qui était refoulé ; elles opèrent avec du signifiant sur du signifiant ; elles relèvent du régime de l’inconscient structuré comme un langage. Qu’en est-il de l’interprétation qui porte sur la jouissance, au-delà du déchiffrage signifiant ? Quelle pratique interprétative inventer si nous analysons le parlêtre, le corps parlant, et visons le réel du sinthome qui est événement de corps, trace de la rencontre traumatique de la langue et du corps ?

Le corps et les mots sont ici en jeu dans une dimension qui excède le déchiffrage, le sens. Dans l’analyse, où l’un et l’autre apportent leur corps, l’interprétation qui dérange la défense, qui frappe, qui modifie la jouissance, « exige qu’elle soit investie par l’analyste et par exemple, qu’il y apporte […] le ton, la voix, l’accent, voire le geste et le regard[2] ». Diverses formulations touchent à ce point : l’analyste « doit y mettre son corps », l’interprétation doit « passer dans les tripes », l’interprétation se fait elle-même événement, elle est de l’ordre de la vocifération, de la jaculation.

Essayons – sans tomber dans une technique de la gesticulation ou du hurlement – de cerner au plus juste de quoi il s’agit et comment « ça opère » dans la diversité des cas de notre pratique.


[1] Lacan J., « Le phénomène lacanien », Essaim, n° 35, 2015, p.143-158.
[2] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Le réel dans l’expérience analytique », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 27 janvier 1999, inédit.

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