Je ne connais qu’une seule origine de la fraternité – je parle humaine, toujours l’humus –, c’est la ségrégation.
Lacan J., Le Séminaire, livre XVII, L’Envers de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1991, p.132.
Les résultats des élections européennes, puis législatives en France, même s’ils étaient annoncés par la montée du racisme depuis de nombreuses années (le mouvement Zadig initié par Jacques-Alain Miller en 2017 l’avait pointé), ont produit chez certains la sidération ou la tristesse. D’autres ont laissé éclater davantage au grand jour la haine de leur voisin, de leur collègue de travail, « la haine de la façon particulière dont l’Autre jouit[1] ».
La devise de la République française, Liberté, Égalité, Fraternité, portait-elle déjà en elle l’humus ? Cet humus contemporain serait-il le résultat fertilisant du pourrissement des Uns-tout-seuls[2], qui ne s’agglutinent que pour tenter d’exclure cette jouissance méconnue du sujet, cette jouissance étrangère en soi ? « La racine du racisme, c’est sa propre jouissance. Il n’y en a pas d’autres que celle-là. Si l’Autre est à l’intérieur de moi en position d’extimité, c’est aussi bien ma haine propre[3] », pointe J.-A. Miller.
Avec la psychanalyse, « il appartient à chacun de se faire responsable » de « l’intime Altérité qui nous habite[4]. », souligne dès lors Anaëlle Lebovits-Quenehen. « Sans espoir ni désespoir », elle invite « à l’acte qui peut seul nous arracher à l’éternité mortelle qui nous guette toujours sans cela »[5]. Acte et gai sçavoir comme antidotes à cultiver et faire fructifier.
[1] Miller J.-A., « Les causes obscures du racisme », Mental, n°38, novembre 2018, p. 148.
[2] Cf. Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. L’Un-tout-seul », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, inédit.
[3] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Extimité », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, inédit, cité par Ramirez C. Haine et pulsion de mort au XXIe siècle. Ce que la psychanalyse en dit, Paris, L’Harmattan, 2019, p.92.
[4] Lebovits-Quenehen A., Actualité de la haine. Une perspective psychanalytique, Paris, Navarin éditeur, 2020, 4e de couverture.
[5] Ibid., p.155 & 157.