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Un coup, un rêve

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« Vous vous êtes complètement plantée ! » Cette phrase a inauguré mon entrée dans le Champ freudien. Elle m’a été adressée il y a plus de trente ans par un psychanalyste, membre de l’ECF ; elle a été déterminante dans mon rapport à la cause freudienne et à l’École qui l’incarne.


Coup
Alors jeune psychiatre, ayant tout juste commencé une analyse, je participais avec enthousiasme à un premier cartel sur le Séminaire L’Angoisse de Jacques Lacan. Des études de psychiatrie largement tournées vers la neurologie cognitive ne m’avaient pas préparée à la rencontre avec le fou. Animée d’un désir de guérir, je m’attachais aux cas les plus complexes, rien ne me paraissait impossible, jusqu’à ce que Pierre, patient hospitalisé que je suivais depuis quelques mois, se jetât sur moi armé d’un couteau. Il me fallait comprendre. J’écrivis l’histoire de Pierre jusqu’au passage à l’acte.
Je soumis ce texte à quelques psys qui me firent un retour positif sur la qualité de mon écriture, sur mon style, me conseillant de l’envoyer pour publication à une célèbre revue. C’était « bien écrit, un beau travail ». Je l’adressai peu après au Plus-un du cartel. Le soir même, il me téléphonait. Sa lecture était sans appel : « Vous vous êtes complètement plantée ! Ce n’est pas une névrose, c’est une psychose. » Stupéfaction.
Ma bévue m’apparut d’un coup : j’avais forcé l’interprétation du cas sans tenir compte de ce que Pierre me livrait de sa folie. À travers le prisme œdipien, j’avais tiré ses symptômes et le diagnostic du côté de la névrose hystérique. Je venais de finir ma thèse de psychiatrie sur l’hystérie masculine – sans jamais avoir lu Lacan. Le savoir universitaire obturait la question du sujet.


Entre vérité et savoir
Le savoir absolu et indiscutable, qui m’avait été enseigné tout au long des études médicales, est sorti ébranlé de ce premier cartel.
L’intervention du Plus-un, énoncée avec une fermeté bienveillante, dans le cadre du cartel, a ouvert un travail de transfert1. J’ai aimé le savoir que je supposais à des membres de cette École, l’École de la Cause freudienne. J’ai alors fait le choix de m’y engager. J’y recherchais un savoir-entendre qui légitimât mes interventions tant auprès des patients que des équipes. Entre vérité et savoir2, je pouvais poser ma question subjective.

Rêve
Dans le même temps, je fis un rêve d’entrée en analyse : je rêvais d’un beau jardin secret que j’aurais fréquenté à l’âge de six ans lors d’un séjour à Menton. Je me demandai en séance : « Est-il vrai ? » Scansion. Énigme. Ment-on ? Que puis-je savoir ?

Depuis, je chemine, avec bien d’autres, orientée par la cause freudienne.

1 Miller J.-A., « L’École, le transfert et le travail »,  La Cause du Désir, n°99, p. 147.
2 Lacan J., « Ouverture de ce recueil », Écrits, Paris,Seuil, 1966, p. 10.

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