Un psychanalyste doit s’assurer dans cette évidence que l’homme est, dès sa naissance et au-delà de sa mort, pris dans la chaîne symbolique, laquelle a fondé le lignage avant que s’y brode l’histoire, – se rompre à cette idée que c’est dans son être même, dans sa personnalité totale comme on s’exprime comiquement, qu’il est en effet pris comme un tout, mais à la façon d’un pion, dans le jeu du signifiant, et ce dès avant que les règles lui en soient transmises, pour autant qu’il finisse par les surprendre, – cet ordre de priorités étant à entendre comme un ordre logique, c’est-à-dire toujours actuel.
Lacan J., « Situation de la psychanalyse en 1956 » (1956), Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 468.
Voici une formulation de ce qu’une analyse permet d’apercevoir, de surprise en surprise… Vous pensiez avoir choisi ce métier par hasard ? Cet objet d’amour par simple contingence ? Vous vous pensiez indépendant, autonome, à l’abri des remarques, suggestions, paroles des autres ?
Or, plus vous avancez dans votre analyse, plus vous vous découvrez déterminé, capturé, prisonnier, étouffé, étranglé, bâillonné par des énoncés parfois inscrits jusque dans votre prénom, ou dans les conditions de votre naissance. Vous pensiez être maître de votre destin ? Vous constatez avoir en main un jeu de cartes singulier, composé de lettres à déchiffrer, transmises par l’Autre et son désir.
Quel a été ce désir de l’Autre à votre égard ? Comment avez-vous interprété jusqu’ici ces phrases marquantes qui vous ont été dites ? Pourquoi avoir fait de telle phrase, prononcée une seule fois, l’os de votre trauma ? Et pourquoi telle autre, sans cesse martelée, ne vous a-t-elle, dites-vous, pas touché ? Ces étrangetés saisies en analyse invitent à rebattre les cartes et à déchiffrer autrement les lettres du désir de l’Autre.
D’ailleurs, cette phrase marquante, vous l’aviez lue depuis toujours, d’une certaine manière. Et voilà qu’avec l’analyse surgit soudain un malentendu, une équivoque, un lapsus, peut-être même juste une virgule : se découpant autrement, son énoncé se lit aussi différemment.
Ainsi une analyse permet de désactiver la puissance nocive d’une phrase marquante.
