« Ça ne va pas très loin, ce que nous demandons – c’est la petite mort –, mais enfin, il est clair que nous la demandons et que la pulsion y est intimement mêlée à la demande de faire l’amour. Ce que nous demandons, c’est à mourir, et même à mourir de rire – ce n’est pas pour rien que je souligne toujours ce qui de l’amour participe à ce que j’appelle un sentiment comique. En tous les cas, c’est bien là que doit résider ce qu’il y a de reposant dans l’après-orgasme. Si ce qui est satisfait, c’est cette demande de mort, eh bien, mon Dieu, c’est satisfait à bon compte, puisqu’on s’en tire1. »
Quelle étonnante expression que celle de « petite mort » pour qualifier l’orgasme habituellement associé au plaisir ! C’est le Dr Ambroise Paré – connu comme père de la chirurgie moderne – qui, au XVIe siècle, donne poids à cette expression comparant le frisson parcourant le corps du fait de l’orgasme à celui précédant la mort. Pulsions de vie et de mort imbriquées feront la découverte freudienne.
La citation, tirée du Séminaire X, enserre angoisse et érotique qui s’articulent dans l’orgasme, à l’image de la bande de Mœbius. L’affect d’angoisse n’est pas sans lien avec la jouissance qui, par la voie de l’objet a, permet l’approche au réel, au trop de réel. À ce moment de l’enseignement de Lacan, l’objet prend encore forme matérielle et se fait perte réelle. Le manque du manque, alors angoissant, se trouve érotisé par la perte de l’objet en en faisant un objet perdu donc désirable.
« Mourir de rire » ajoute ici Lacan, laissant entendre que le tragique de la mort se noue au comique de la vie, et même que le tragique est présent dans la vie et le comique lisible dans la mort. Il situe la pulsion de mort comme « intimement mêlée » avec la reproduction et l’acte sexuel. Le comique est ainsi lié à la détumescence de l’organe phallique et au désir d’en rire en-corps.
- Lacan J., Le Séminaire, livre X, L’Angoisse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2004, p. 304-305. ↩︎