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Stand-up comedy

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Le stand-up s’impose aujourd’hui. Héritier du one man show, son objet s’est modifié, de la satire sociale ou politique jusqu’à de simples anecdotes du quotidien présentées de façon à faire rire.

Seul en scène… pourtant le lien social est indispensable à l’humour. Pour Freud, « nul ne peut se satisfaire d’avoir fait un mot d’esprit pour soi tout seul1 ». Le trait d’esprit, prélevé par son auteur sur une première personne, requiert d’être validé par une tierce personne, « l’Autre » à qui « se trouve transféré le soin de décider si le travail du mot d’esprit a accompli sa tâche2 ». Pour le comique, en revanche, la deuxième personne « procure de la jouissance ; mais elle n’est pas impérieuse3 ». On peut donc en rire seul, un gain de plaisir est obtenu, alors que le mot d’esprit trouve toujours son achèvement dans sa communication à autrui.

Dans le stand-up, Un-tout-seul affronte le quatrième mur, écran imaginaire qui sépare l’acteur du spectateur, avec pour objectif de produire un rire toutes les vingt secondes, conformément à la folie comptable contemporaine qui signe la validation de l’autre, et le challenge de paraître spontané alors que les histoires sont très écrites. L’enjeu comique n’est donc pas forcément localisé dans la langue mais plutôt dans l’énonciation, où peut se jauger la qualité du comédien. 

Dans ses sketchs, Paul Mirabel propose ses failles : sa timidité, ses angoisses et sa vulnérabilité à l’aune desquelles il interroge le monde pour en faire ressortir la logique parfois absurde. Grand échalas figé à l’expression pince sans rire que contredit un regard vif et mobile, il est l’anti-héros qui offre ses revers de fortune aux spectateurs. Victime de racket, faible et peureux, il s’affirme condamné à être gentil : « Je n’ai pas le choix ! ». C’est donc de sa propre personne qu’il extrait ce qui prête à rire. Face à la jouissance de l’Autre, il ne lutte pas. Un abandon devant tout enjeu phallique qui en dénonce la valeur de semblant et lui permet d’éviter l’ombre de ridicule de la virilité4, sans renoncer pour autant, ni à la séduction ni à la manifestation de son désir. Comment lire alors l’effet comique ? Par ce que Freud désigne comme l’humour naïf des enfants et des personnes enfantines dans leur développement intellectuel. Le style naïf est ce qui se rapproche le plus du mot d’esprit. Il se réalise quand « quelqu’un se met complètement au-dessus d’une inhibition parce qu’elle n’existe pas chez lui, c’est-à-dire lorsqu’il semble la surmonter sans effort5 », condition nécessaire à la production de l’effet comique, sinon cela ne produirait pas notre rire, mais notre indignation, précise Freud. Ce qui provoque alors le gain de plaisir et déclenche le rire, c’est « l’économie d’inhibition6 » chez celui qui accuse réception des paroles naïves, avec un effet de soulagement.

L’autodérision de Paul Mirabel est désarmante, le risible se mue en irrésistible : son public l’aime, l’objet rejeté se fait agalma. 
Il invente l’envers du beau-parleur – celui dont la vantardise masque les manques –, marquant sa division : « Il y a des rires qui font plus mal que d’autres… »
Qui est-il finalement ? « On me dit : “Paul est-ce que sur scène c’est vraiment toi ou c’est un personnage ?” – Si c’était un personnage, ben j’aurais pas pris lui… » Ne pas céder sur son désir… de jouer la comédie.

  1. Freud S., Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, Paris, Gallimard, 1988, p. 262. ↩︎
  2. Ibid., p. 264. ↩︎
  3. Ibid., p. 263. ↩︎
  4. Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les Formations de l’inconscient, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1998, p. 195. ↩︎
  5. Freud S., Le Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, op. cit., p. 325. ↩︎
  6. Ibid., p. 326. ↩︎

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